JEAN-PIERRE MOREAU

JEAN-PIERRE MOREAU

LE VILLAGE DE JAULNES A-T-IL REVELE TOUS SES SECRETS HISTORIQUES ?

Une question à laquelle jean-Pierre Moreau , archélogue amateur, propose de répondre avec une synthèse de ses recherches dans le secteur de Jaulnes. Synthèse constituant un ouvrage méritant d'être édité.

Quelques extraits

Quelques extraits de son ouvrage, permettront de s'en faire une idée et surtout d'avoir un regard sur le passé historique de ce village :

JAULNES

VICUS ANTIQUE

PASSAGE SUR LA SEINE

NOUVELLES CONSIDERATIONS

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1.1. Méthodologie Des Recherches Et Hypothèses

La méthodologie appliquée depuis près un demi siècle concernant les hypothèses de la présence d’un « vicus » à Jaulnes, notamment son pont, son port, ses nécropoles, ainsi que la mise au jour de nombreux vestiges perdus, sont émises principalement d’après une lecture fine et rationnelle des commentaires et descriptions de l’ouvrage attribué à l’empereur Jules César « De Bello Gallico ».

Ainsi, en analysant les divers passages de son livre, nous pouvons remarquer et affirmer que ses hypothèses matérielles, ne sont pas des élucubrations et confirment bien certains écrits d’auteurs du XIXe et XXe siècles, malgré leurs emplacements jamais définis topographiquement et strati graphiquement par des fouilles scientifiques.

Les hypothèses secondes de notre méthode, sont la consultation et l’analyse des cartes d’état major, l’apport de la photographie aérienne et leurs interprétations et les apports de Google Earth et Géoportail.

Les hypothèses tierces sont les prospections pédestres, les relevés et les anomalies à caractère géomorphologique et anthropomorphique sur le terroir de Jaulnes, de 1980 à 2000, bien évidemment majoritaires. Puis, les observations lors de travaux privés et leur consignation par les dessins des artefacts et relevés de quelques substructions mis au jour lors de terrassements. Enfin l’apport du verbe paysan depuis plus de 100 ans, des habitants et anciens cultivateurs.

Ces observations pertinentes, légendes orales locales contées, ne sont pas forcément fondées sur la « doxa » populaire et peuvent receler une part de vérité . Enfin nous avons parfois usé de noétique, car elle est complémentaire à tout raisonnement discursif.

Ainsi le « flair », comme on le nomme populairement, qui a tant réussi à plusieurs archéologues et inventeurs de grands sites archéologiques aux XIXe et XXe siècles quand la technologie était rustique et le sens de l’observation visuelle paysanne, furent un apport considérable qui m’a servi dans mes investigations et hypothèses.

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2.1. Jaulnes : emplacement géographique et nouvelles considérations historiques et techniques du pont

La rue principale du village est axée Nord-Sud et se calque peu et prou sur l’ancien emplacement de la « Via Agrippa ». Peut-être reprend-elle un « Cardo » supposé ? Elle obliquait à la sortie Nord du village à droite vers la Seine, pour rejoindre le pont de bois, romain ou gaulois, dont les piles de chênes ont été arrachées entre 1817 et 1820, sous la direction de l’ingénieur des ponts et chaussées Tondu-Nangis (voir le plan cadastral de 1873). Puis, en 1882 lors de la construction du batardeau (1) en amont, se calquant probablement sur les piles et le banc de sable, pour réaliser le barrage et l’écluse de Jaulnes achevés en 1886. Les auteurs Guérard et Geslin font une erreur fondamentale, quand ils mentionnent dans leurs écrits la bifurcation de la voie romaine à gauche, alors que le cadastre de 1873 et la carte d’état-major 1830 mentionnent "le perré" à dextre sur le plan et non à senestre.

La voie descendant à la Seine se calque en parallèle avec une bande boisée appartenant à Mr Dubois, adjoint à la Mairie et arrivait logiquement sur le banc de sable présent encore en 1960, plage de sable ou je me suis baigné dans mon enfance, qui couvrait rive gauche presque un tiers du lit du fleuve.

1) Batardeau : petit barrage temporaire situé en amont pour assainir la construction, des fondations du barrage en détourner le courant temporairement

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2.2. Jaulnes : Approche étymologique et toponymique

Le village de Jaulnes est connu par des manuscrits depuis 726 après JC sous le nom de « Ionna in Comitatu(2) Senonico » puis « Ionna in Pago Senonico » mentionné par les auteurs Stein et Hubert en 1954 (dans le livre Vita Sancti Paterni ; La vie de Saint Paterne).

Il semble à priori que le village au XIIIe siècle, était composé de deux entités distinctes, Jaulnes et le hameau dit de « Saint Lié » et cela jusqu’au XVIIIe siècle, suite à l’abandon de la chapelle. Ce hameau était distant d’environ une lieue. Il était situé vraisemblablement à proximité du cimetière actuel. (voir carte de Cassini).

Ce hameau possédait une chapelle détruite, dédiée au Saint nommé. Lors de sa fête, le 5 novembre, ou le 17 du mois de mai suivant les auteurs, il est dit que les habitants et âmes alentours (5 lieues) apportaient leurs enfants déficients mentalement, dans l’espérance d’une guérison par Saint Lié (Sancti Leoti) et du salut divin. On accordait auparavant à ce moine thaumaturge plusieurs miracles. A l’ouest le hameau de Choyau et le parc de Villeceaux. Ces ensembles satellitaires représentent le terroir de Jaulnes et probablement le «Fines ». 

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Du point de vue étymologie, le toponyme « Jaulnes », a fait jaser plus d’un passionné :

certains, entre autres dans leurs récits citent :

Jalnua, Janua (Michelin, Guérard), nous citons l’ensemble des noms de la localité mentionnés sous les graphies suivantes :

- IONNA in comitatu Senonico en 726 ap JC

- Vita Sanctus Paterni ap Ann Benedic III 466

- JOLNA vers 1143

- JAUNIA en 1145

- JOSNA en 1148

- JAUNA en 1149

- IONIEUM ou IONESIUM ? vers 1150

- JOLNIA vers 1152

- JANA vers 1159

- GAUNIA en 1187

- JONNENSIS PORTUS au XIIe siècle

- JEAUNES au XIIIe siècle

- JAUNE vers 1201 et en 1222 ( livre des vassaux)

- GEAUNIUM en 1218

- DOMMINVS MILO MILES JAUNA (Cartulaire de l’Hôtel Dieu de Provins en 1263)

- JEAUNES fin XIIIe siècles

- JAULNE lès Bray en 1502

- JAULNE en 1602

D’après les commentaires de P Bailly (Toponymie de Seine et Marne 1989), le toponyme Ionna ou Jonna (le I et le J en latin s’écrit pareil) signifierait : un climat ou un terroir spongieux, favorable aux joncs.

Se base-t-il sur la vie de Saint Paterne ? Nous émettons quelques réserves à ses explications.

Autre hypothèse mise en exergue, en faisant divaguer l’âme de l’écrivain briard Guérard en analogie avec le terme latin Janua : porte d’entrée, porte d’accès, voir chemin d’Accès. Faisant bien entendu allusion à Janus dieu des passages et des portes et ainsi prétendre à l’emplacement d’un camp romain cher à cet auteur.

Pour l’anecdote, le temple de Janus à Rome proche du « Forum » possédait deux portes, elles étaient fermées lorsque la paix régnait sur l’empire romain. Temple que l’on retrouve sur les revers des monnaies de l’empereur Néron. 

Une autre piste étymologique issue de l’onomastique gauloise(1)

pourrait être approfondie, il s’agit du suffixe « Onna » avec un O long dit « tonique » qui se rapprocherait en latin de « Fons » signifiant « fontaine ». Le lieudit « La fontaine » à 200,00 ml du village au sud et proche de la voie romaine pourrait être l’origine de Jaulnes (voir petit glossaire de Endlicher).

Je cite l’auteur : « d’un mot qui ne diffère de Onna que par le genre Onno traduit par « Flumen » : fleuve rivière. On note pour ce suffixe quelques noms gaulois : « Divonna, Bormona ». . . Rappelons que Icauna, Ica- [Onna], nom féminin, d’après Delamarre est l’une des étymologies de la rivière L’Yonne. Citons encore dans la ville de Tonnerre (Yonne), le célèbre lavoir dit : « la « fosse Dionne », qui est probablement en rapport avec le présent suffixe adjectival, lié avec les divinités gauloises des eaux et notamment Divona.

C.Julian le confirme, « Onna » est en rapport certain avec l’eau, les rivières, les sources etc . Mais on peut aussi supputer une analogie avec le mot Brionna pouvant muter en « Briauna » littéralement, « Gué, bord », (voir page 95 P Y Lambert « La langue Gauloise), avec contraction « Iauna » en Jauna le I passant en J même forme qu’en latin. Les moines copistes nous ont souvent habitués à ce genre de fantaisies linguistiques parsemées de nombreuses erreurs sur des manuscrits.

Hypothèse farfelue relevée dans une revue départementale, Jaulnes viendrait aussi d’une déesse gauloise supposée appelée « Jalnua », cette étymologie est plus que douteuse, car dans la mythologie celtique et brittonique (2) il n'est fait mention d’aucune déesse portant ce nom.

(1) Onomastique gauloise : Etudes des noms propres à partir de la langue celte

(2) Brittonique : Breton ou bretonne ou de Grande Bretagne En revanche, sur le territoire français, on retrouve des villages

En revanche, sur le territoire français, on retrouve des villages à la toponymie semblable, suivant les terroirs dont les principaux sont :

Iauna en Béarn, Jaulnay en Poitou, Jaulnet en Auvergne, Jaulnac en Roussillon.

Dans le Loir et Cher un village du nom de JOSNES s’écrivait Jaulnes d’après un acte d’aumône en 1150 conservé à la bibliothèque du département.

Ne peut-on pas simplement voir, du point de vue étymologique, la couleur Jaune des terres limoneuses de ce terroir briard et de surcroît le nom du village ?

Le "L"  de Jaulnes, fut probablement  ajouté au cours des siècles. Sa présence est attestée sur des lettres patentes des monarques de France, jusqu’au XIXe siècle, citons : « fcellées du grand fcel en cire jaulne » ou bien encore : « des gantz jaulnes ornés de broderies et pierreries ».

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2.5. Jaulnes : Vicus ou Mansio essai d’interprétation

L'emplacement de Jaulnes sur la rive gauche de la Seine semble être à priori une étape à mi -chemin entre La "Civitas Senonum" (Agendicum) et l’énigmatique « Riobe » Mansio ou Vicus ou les deux, nommé « village rue » qui est situé probablement dans les environs immédiats de la commune de Pécy, situé sur la voie romaine (fouilles réalisées ces dernières décennies par le colonel Geslin et l’association Riobe).

Si Jaulnes, n’est pas le fameux "in finibus senonum" de César dans B.G (La Guerre des Gaules), les critères en faveur d’ un Vicus plutôt q’un « Mansio (1) » contrôlant le passage de la Seine, lieu pour installer précisément une halte pour les courriers de l'Empire semblaient extrêmement judicieux.

(1) Mansio : gîte d’étape situé le long des voies romaines

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3.4. Port hypothétique

Présence hypothétique d’après le rapport des recherches. Ainsi Guérard cite un petit port fluvial remblayé à 800 m à l’Ouest du village, avec une chicane « en gueule » protégeant l’entrée sur la Seine ou dans les basses terres nommée « le Bé », ce nom pourrait être une déformation de « Bief » qui donne « Bedu ou Bedum » en gaulois, ainsi le mot breton « Bez » désignant une fosse ou un canal, ce n’est pas une surprise car il alimentait le moulin dit « Sainte hélène ».

l aurait été retrouvé des barques dans la tourbe, d’après l’auteur ? Sur le cadastre de 1873 il est mentionné et matérialisé une voie dite "chemin du port à Jaulnes" traversant le ru du « Courbeton » ou des pierres de taille vestiges d’un gué sont encore visibles. Ce chemin se dirigeait effectivement vers le port supposé. Mais cette structure portuaire comblée et accolée à un hypothétique « castellum » quadrangulaire, d’une contenance de 92 ares, attestés par d’anciens clichés aériens, seraient d’après les archives de Seine et Marne une ancienne grange aux dîmes. Ce quadrilatère était profond d’ environ 5.00 ml, il possédait naguère une ile, il a été comblé par Mr Bonfils agriculteur. Le côté occidental donnait sur la rive du ru de Villeceaux / Choyau. Aucuns artefacts majeurs n'ont été mis à jour en ce lieu et, au vu des remblais de terre effectués, il sera impossible de réaliser un sondage préventif pour affirmer cette hypothèse portuaire. Cette configuration est en analogie probable avec le port antique pour « corbitae » proche de Sens sur le site dit « la Motte du Ciar ».

Labienus lieutenant de J César dans B.G. ne descend-il pas la Seine, probablement jusqu’à Melun, avec des barques qu’il fait construire, ce qui atteste que la Seine est déjà navigable sûrement avant la conquête romaine, voir le corpus des inscriptions lapidaires des Nautes de Paris, de la Saône à Lyon et de Genève ou des Ratiarii du Rhône (corporation de bateliers à barques à fond plat). Voir fouilles récentes de la D.R.A.S.S.M (1) mise au jour d’un fragment de bateau dans le port fluvial de Arles à l’embouchure du Rhône. D’ailleurs les barques gauloises ou gallo-romaines étaient probablement plates, cette forme leurs permettait de naviguer chargées en basse eaux (l’été), ainsi il est dit en 451 ap JC, lors du siège de Paris par les Huns, que Saint Geneviève fait acheminer du blé par des barques sur la Seine. 

(1) DRASSM : Direction Régionale d’Archéologie Subaquatique et Sous Marine

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En bref

Sans reproduire ici la totalité de l'ouvrage, il est à gagé qu'il ne manquera pas d'attrait pour un éditeur, afin que ce dernier puisse le porter à la connaissance de lecrtices et de lecteurs, éclairés ou non en matière d'histoire, mais désireux dans tous les cas, de découvrir la richesse du passé de ce village en bord de Seine.

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